La précarité étudiante : jongler entre études et survie financière
La vie étudiante, souvent perçue comme une période d’apprentissages et de liberté, prend pour beaucoup un tout autre visage. Thomas, 24 ans, en est l’illustration. Étudiant en 3ème année en sciences humaines et sociales à Louvain-la-Neuve, il est contraint de manquer certains cours pour travailler et donc subvenir à ses besoins. « Pour payer mon minerval, mon abonnement de bus et ma nourriture, je travaille les lundis et vendredis et donc je sacrifie mes cours ces jours-là. Parfois, je rate des informations clés que le professeur mentionne en classe, comme des ressources nécessaires ou des consignes pour les examens », raconte-t-il.
Près d’un étudiant sur deux cumule job et études
Thomas n’est pas seul dans cette situation. De plus en plus d’étudiants en Belgique sont confrontés à cette réalité : jongler entre études et travail pour financer un parcours académique qui devient financièrement hors de portée. En 10 ans, la proposition d’étudiants jobistes de 18-24 ans a quasiment doublé, passant de 21,7% à 41,6% entre 2012 et 2022 selon le collectif InES. « Un étudiant qui doit jober est fatalement moins disponible pour étudier et donc ça peut mettre aussi à mal son parcours académique », explique Sébastien Schmit, responsable de l’équipe sociale de l’UCLouvain.
Une étude menée par le sociologue Joël Girès et publiée en septembre 2024 par Brussels Studies démontre d’ailleurs que les étudiants confrontés à des situations de privation matérielle obtiennent des résultats moins brillants à l’université que ceux n’en souffrant pas.
Une précarité multifactorielle
La précarité n’est pas seulement financière : elle revêt plusieurs aspects. Sébastien Schmit, responsable de l’équipe sociale de l’UCLouvain, observe une diversité de situations parmi les étudiants. Il souligne que la précarité est « multifactorielle, incluant des aspects financiers, mais aussi un manque de soutien familial, des difficultés d’accès à un logement abordable et une précarité numérique accrue ».
En effet, la fracture numérique, aggravée par le passage massif au numérique pendant la pandémie, touche particulièrement les étudiants issus de familles moins favorisées. « Aujourd’hui, avoir un ordinateur est devenu indispensable pour les études, mais certains étudiants n’ont pas les moyens de se le procurer », développe-t-il.
Un coût de la vie étudiante qui pèse lourd
D’autre part, le coût des études s’alourdit. Pour un étudiant vivant en kot, les dépenses annuelles s’élèvent entre 7.000 et 12.000 euros, tandis que pour un étudiant navetteur, le coût est estimé entre 2.000 et 3.000 euros.
Lauranne, elle aussi, jongle entre études et emploi pour rester à flot. Étudiante en droit, elle doit gérer un loyer mensuel de 400 euros, en plus de ses frais de subsistance. « Je travaille environ 11 heures par semaine dans un magasin de chaussures. Sans ce job, ce serait impossible de couvrir mes frais », explique-t-elle.
Louvain-la-Neuve, avec son parc de logements estudiantins de plus de 5.500 unités, offre des logements à des tarifs avantageux, mais ceux-ci ne suffisent pas à couvrir la demande. Les étudiants qui se tournent vers le secteur privé paient souvent des loyers élevés, entre 600 et 700 euros par mois, ce qui pèse lourdement sur leur budget.
Les conséquences d’une précarité silencieuse
La précarité étudiante a des répercussions sur le bien-être mental des jeunes. Thomas évoque des moments où il ne peut même pas se permettre une sortie avec ses amis ou l’abonnement à la salle de sport. « À la fin du mois, il me reste parfois 10 euros sur mon compte », témoigne-t-il. Ce manque d’interactions sociales, combiné aux contraintes financières, engendre des sentiments d’isolement et des difficultés psychologiques chez de nombreux étudiants.
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