Journée Mondiale de l'Alimentation : les actions de la Croix-Rouge au Bénin
Le 16 octobre, c’est la Journée mondiale de l’Alimentation, une occasion pour les Nations Unies (FAO) de rappeler que le droit à l’alimentation est un droit de l’homme fondamental. Pourtant, alors même que le monde produit suffisamment de nourriture pour toute la population de la planète, quelque 800 millions d’individus sont encore victimes de la faim, soit un être humain sur neuf, dont 60% de femmes. Chaque année, la faim tue davantage que la malaria, la tuberculose et le sida réunis.
La Croix-Rouge de Belgique, active contre la faim en Belgique et ailleurs dans le monde
La Croix-Rouge de Belgique, en tant qu’acteur humanitaire de premier plan, cherche à réduire ces inégalités et à améliorer les conditions d’existence de tout un chacun, ici en Belgique et ailleurs dans le monde. Dans nos rues, nos quartiers, elle distribue soupes et colis alimentaires. En Afrique, elle est présente également, notamment au Nord du Bénin.
Elle y mène un programme d’Appui Multisectoriel à la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle dans l’Atacora (AMSANA). La malnutrition chronique reste en effet très préoccupante dans ce département : plus d’un tiers des enfants de moins de 5 ans en souffrent, ce qui dépasse le seuil d’alerte défini par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Comprendre les mécanismes derrière le fléau de la faim
Pour venir en aide de manière adéquate aux communautés vulnérables de 48 villages de l’Atacora, la Croix-Rouge de Belgique se questionne aux côtés de son homologue béninois : pourquoi la malnutrition est-elle si présente dans cette région, alors que le gouvernement souhaite faire du Bénin « un pays où chaque individu jouit d’un état nutritionnel satisfaisant » ? Qui prend les décisions au sein du ménage en matière d’alimentation et sur quoi se basent-elles ? De quoi est fait le quotidien d’une maman à qui la préparation des repas incombe ? Quelles connaissances a-t-elle en matière de bonnes pratiques alimentaires et a-t-elle la possibilité de les mettre en application ?
Connaître et comprendre les pratiques alimentaires des villages béninois de l’Atacora constitue une étape préalable indispensable pour améliorer l’état nutritionnel des populations qui y vivent. En effet, il faut identifier les « déterminants socio-anthropologiques » d’ordre individuel, communautaire, environnemental ou sociétal qui interviennent et interfèrent en matière d’alimentation pour savoir comment amener un changement de comportement sur le long terme, le changement n’étant envisageable que s’il est acceptable culturellement, physiquement et économiquement pour toute personne amenée à modifier ses habitudes.
Une étude en partenariat avec l’ULB pour identifier les coutumes qui entravent le changement
Grâce à l’étude sur les « déterminants socio-anthropologiques » de la malnutrition conduite avec l’appui de l’Université Libre de Bruxelles sur un échantillon de 6 villages, il est apparu que « les grand-mères exercent une influence sur les femmes » et voici l’un des messages que les grand-mères leur transmettent : « Quand l’enfant qui naît suit un enfant mort-né, il faut nécessairement purifier le sein de la mère avant de lui donner. Dans ce cas, l’enfant n’est pas aussitôt mis au sein après la naissance ». De la même manière, il existe une coutume selon laquelle le grand-père maternel doit connaître le sexe de l’enfant avant la mère. Suivant la distance entre le village et la maternité, le grand-père peut mettre entre 1 heure et 2 jours pour se rendre sur place, ce qui retarde la mise au sein.
Le rôle clé des grands-mères
Ces exemples montrent que les grand-mères, gardiennes des savoirs et des coutumes, ont effectivement un rôle-clé dans les conseils qu’elles prodiguent à la jeune mère. Or, leurs « prescrits traditionnels » sont parfois en contradiction avec les recommandations favorables à la bonne santé du nourrisson. Dans ce cas-ci, les pratiques locales rendent impossible le démarrage de l’allaitement maternel dans l’heure qui suit la naissance, alors que ce « premier lait » permet à l’enfant de recevoir le colostrum riche en anti-corps.
La Croix-Rouge favorise la mobilisation communautaire
Sur base des conclusions de l’étude menée sur les déterminants socio-anthropologiques de la malnutrition, la Croix-Rouge de Belgique et la Croix-Rouge béninoise ont établi un plan de communication afin de mobiliser les communautés et les aider à mettre en place les changements qu’elles désirent voir se réaliser dans le domaine de la nutrition et de la santé.
Pour cela, trois groupes ont été constitués au sein du village : les mères éducatrices, les grand-mères leaders et l’école des maris. Choisis par leurs pairs lors d’une assemblée communautaire – ce qui leur procure une grande fierté, ils et elles se font les ambassadeurs de leur communauté : ils mettent en exergue les problèmes récurrents du village, les classent par ordre de priorité et cherchent ensuite, avec l’appui des bénévoles béninois Croix-Rouge, à les résoudre. Lorsqu’une solution émerge, ils s’engagent à l’adopter et à la mettre en application. Les autres en sont témoins et sont invités, influencés, à faire de même. C’est le principe de la « déviance positive ».
Des solutions conjointes et compatibles avec les coutumes
Pour revenir au déterminant culturel incompatible avec une mise au sein précoce, c’est grâce à cette méthode de la mobilisation communautaire que les choses ont évolué : lors de leurs visites à domicile, les mères éducatrices ont constaté que le conflit entre la coutume du dévoilement du sexe de l’enfant et le besoin d’allaiter rapidement après l’accouchement revenait régulièrement. Elles en ont dès lors averti les grand-mères, garantes des coutumes, qui, à leur tour, se sont réunies. Echangeant sur le sujet, ces dernières aboutissent à la conclusion suivante : l’enfant pourra être mis au sein dès sa naissance, pour autant que son sexe soit voilé ou que les yeux de la mère soient bandés, le grand-père n’ayant pas besoin d’être averti de cette astuce ! Il s’avère que cette solution, pensée par la communauté, est optimale : l’enfant peut être allaité rapidement et faire son entrée dans la vie en bonne santé, tandis que les prescrits traditionnels sont respectés.
La mobilisation communautaire pour des solutions qui durent
Pour la Croix-Rouge de Belgique, tout changement est endogène : les communautés sont les plus à mêmes de définir le changement qu’elles souhaitent voir s’opérer et de quelle manière l’introduire auprès de leurs pairs, le changement n’étant viable que s’il est endogène. Or, c’est sur le long terme que la Croix-Rouge de Belgique cherche à travailler : renforcer la résilience des communautés, faire en sorte que les bonnes pratiques perdurent, même en son absence, est son ambition.
Avec son approche de mobilisation communautaire pour lutter contre la malnutrition au Bénin, la Croix-Rouge de Belgique, soutenue par le Fonds Belge pour la Sécurité Alimentaire, apporte, en ce 16 octobre, l’une des réponses pour lutter contre la faim dans le monde.