Yémen : déclaration du président du Comité International de la Croix-Rouge, Peter Maurer
Le président du Comité International de la Croix-Rouge, Peter Maurer, s’est rendu sur place et nous livre au travers d’un témoignage les dernières informations sur la situation locale. Il devient urgent d’agir.
Une situation sans précédent ravage le Yémen
Je quitte le Yémen très préoccupé par la tragédie que vit le peuple yéménite. L’épidémie de choléra reste alarmante. La saison des pluies approche et nous nous attendons à ce qu’il y ait plus de 600 000 cas de choléra d’ici la fin de l’année, une situation sans précédent.
Cette épidémie d’origine humaine est une conséquence directe de plus de deux années d’hostilités. Le système de soins de santé s’est effondré et des personnes meurent de maladies chroniques faciles à traiter. Des services clés, comme le ramassage des ordures, ne fonctionnent plus, comme j’ai pu le constater partout à Taïz.
1 I’m shocked by the piles upon piles of foul-smelling litter lining the streets of Taiz #Yemen. This is right outside the hospital… pic.twitter.com/huJngRRA2V
— Peter Maurer (@PMaurerICRC) July 25, 2017
À moins que les belligérants ne respectent mieux les lois de la guerre, je crains que l’épidémie s’aggrave encore à l’avenir.
Devoir choisir entre se nourrir ou se soigner
Les Yéménites sont résilients, mais combien de temps leur faut-il continuer à résister ? Nous avons vu, en Syrie et ailleurs, comment un conflit de deux ans devient un conflit qui dure six voire dix ans. Il en sera peut-être autrement au Yémen, mais je vois peu de signes d’espoir. Les souffrances de la population ne cessent de s’intensifier. J’ai rencontré des familles contraintes de faire des choix impossibles pour savoir quoi acheter à leurs enfants : du pain, de l’eau ou des médicaments.
The cholera outbreak in #Yemen is a preventable humanitarian catastrophe, the result of a nightmarish conflict pic.twitter.com/SE5FeUJD7p
— Peter Maurer (@PMaurerICRC) July 23, 2017
Des milliers de personnes sont détenues par les parties au conflit, languissant en prison, incapables de contacter leurs proches. Hier, des familles de ces détenus ont protesté à l’extérieur de nos bureaux à Sanaa et demandé des réponses. Leur bien-être est notre priorité, mais pour pouvoir les aider, nous devons avoir l’autorisation de visiter les détenus.
Les attaques contre les hôpitaux doivent cesser
Cette semaine, j’ai vu de mes propres yeux comment la guerre détruit les villes, les communautés et les familles.
Je lance un appel urgent pour que les comportements changent. Il est impératif que les parties au conflit cessent leurs attaques contre les hôpitaux, les centrales électriques et les stations de traitement des eaux. Sinon, cette tragédie ne fera que s’aggraver.
Il est urgent que les parties belligérantes, y compris les États de la coalition, prennent sans plus tarder des mesures concrètes pour alléger le sort de la population, et notamment :
- Arrêtent de prendre l’action humanitaire en otage à des fins politiques. Au lieu de cela, ils doivent faciliter l’entrée au Yémen de l’aide et des secours essentiels comme les médicaments, et leur distribution à l’intérieur du pays.
- Garantissent l’accès des organismes humanitaires aux populations les plus vulnérables.
- Donnent au CICR un accès régulier à toutes les personnes détenues en relation avec le conflit. Nous avons reçu cette semaine des engagements encourageants de la part des deux parties et espérons que ces engagements se concrétiseront dans les semaines à venir.
- Assouplissent les restrictions à l’importation afin que l’activité économique puisse reprendre.
Par ailleurs, ceux qui soutiennent les parties belligérantes au Yémen ont la responsabilité de veiller à ce que les lois de la guerre sont respectées.
La communauté internationale doit aller plus loin
Un financement humanitaire est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Mais la communauté internationale doit aller plus loin. Elle doit rechercher activement des solutions à cette énorme crise et exercer de toute urgence une influence sur le comportement des belligérants.
Le CICR a doublé cette année le budget qu’il consacre au Yémen et qui passe ainsi à plus de 100 millions de dollars. Nous continuerons à lutter contre le choléra et à faire tout notre possible pour aider les personnes les plus vulnérables au Yémen. J’appelle ceux qui ne sont pas parties au conflit à intensifier leurs efforts et à agir dans le même sens. Les personnes que j’ai rencontrées cette semaine au Yémen comptent sur nous pour leur venir en aide. Prouvons-leur que nous nous soucions de leur sort. »
Le Yémen, en quelques informations clés
- La population du Yémen compte 27 millions de personnes.
- Près de 14 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire.
- Près de 7 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë.
- Près de 3,3 millions de personnes sont en situation de malnutrition aiguë.
- Près de 14 millions de personnes ne disposent ni de suffisamment d’eau potable ni de conditions d’hygiène satisfaisantes.
- Près de 14 millions de personnes sont privées de soins de santé adéquats et seulement 45% des établissements de santé fonctionnent.
- Plus de 160 structures de santé ont été attaquées depuis 2015, et ces attaques ont été signalées au CICR.
- Les citoyens ordinaires n’ont pas les moyens de se procurer des medicaments.